25 mars 2017

21.03.17 The Arrival


Ne tournons pas autour du pot: The arrival peut s'annoncer sympathique sur le papier et dans son premier tiers, mais sachez surtout qu'il s'agit d'un film pompeux et boursouflé. Si
The arrival soulève des questions, elles ne sont, et malgré la grosse prétention du film, que l'ombre d'une interrogation méta-physique.
Comment justifier l'introduction d'un tel film, où la voix-off du protagoniste principal surgit de nulle part pour ne s'adresser finalement à personne d'autre qu'elle-même. Pendant ce temps, à l'image, nous sommes les témoins dramatiques d'une vie, en montage accéléré, à l'instar du Là-haut de pixar/disney.
Spoiler: on apprend, dans l'interminable résolution de l'intrigue, que la maîtrise du langage extra-terrestre ouvre les chakras neurologiques. Cette langue permet donc de façon intelligible d'entrevoir son futur. C'est surtout une incroyable pirouette scénaristique qui viendra in-fine justifier cette ouverture problématique du film, à savoir une prise d'otage de l'affect, en rejouant à la fin le même plan qu'au début et en faisant semblant de remettre de l'ordre dans un chaos chronologique volontairement difficile, et surtout, difficilement intéressant.

Que racontes d'ailleurs ce plan au début et à la fin du film: pas grand chose, sinon que le cadre est un écran de projection (surface de la baie vitrée, surface translucide dans le vaisseau, etc... mais aussi et surtout surface de projection du film lui-même). C'est aussi une mise en abyme avec multiplication des cadres dans le cadre, et donc des surfaces (on pense à ce mur géopolitique, avec correspondant en direct et nom du pays) ne formant qu'un seul tout, un contenant qui se traduirait par l'humanité tout entière.
Une allégorie un peu grossière tente de basculer cette filiation entre cadre et surface, cinéma et propos sur le cinéma. Il s'agit de la présence extra-terrestre  sous la forme d'une grosse masse sombre, et que l'on peut facilement rattacher à la maladie incurable de la jeune femme dans les flash/forward (oui, car les flash-back sont en fait des flash-forward). Techniquement, il n'est pas difficile de rattacher les deux car il n'y a littéralement rien d'autre dans le film. Lourdement donc, on comprend que la présence extra-terrestre sur terre agit sur l'humanité comme le cancer agit sur le corps: il surgit, surprend, rend inintelligible, devient indésirable et provoque des dérèglements funestes. On comprend alors qu'il faut étudier le langage, renouer le dialogue avec l'inconnu pour faire face. C'est ce que le film promeut, c'est le comportement dont il fait la promotion en cas de maladie. Oui. Ça oscille entre ça et l'idée aussi basiquement ridicule que: "il faut accepter de vivre et de mourir". Tout cela est servi, bien entendu, dans une mise-en-scène tape à l’œil qui convoque le vrai façon Terence Malick (gros plan bouche ouverte, gros plan main sur la nuque, etc... tout l'attirail gros plan et caméra à l'épaule pour convaincre de la réalité et de l'intimité des scènes) sans oublier de se déguiser en film de Christopher Nolan. En effet, il est difficile de ne pas penser à Interstellar et à sa volonté presque malsaine de vouloir convoquer le spectateur sur la sophistication et le sérieux du spectacle, comme pour le prédisposer à de l'intelligence qu'il n'aurait pas eu sans l'expérience du film. En gros, prendre son spectateur pour un con qui comprend rien. Du cinéma post-google en somme. Le spectateur qui n'aura pas réussit à imposer sa propre explication aux autres pourra toujours leur proposer de taper "expliquer fin interstellar" avec le moteur de recherche du smartphone que se trouve dans leur poche. D’ailleurs, la bande-son, avec orgue et sirène de corne-brume et un copié-collé de ce que fait Hans Zimmer depuis une dizaine d'année.

La résolution du film, en plus d'être injustifiable, est un paradoxe du plus mauvais goût: les chinois sont des méchant pas si tentés, les russes sont encore plus méchant mais surtout bêtes comme des moutons et les américains n'ont pas le choix, la faute aux autres, bien qu'ils fassent tout pour sauver le monde par la grâce de leur talent et de leur intelligence. Je dis "la grâce" pour qu'on comprenne bien l'allusion christique: un petit groupe de militaires teubés, pauvres brebis égarées, biberonnés à une version états-unienne de Jean-jacques Bourdin, vont se transformer soudainement en de suicidaires terroristes. Humilité géopolitique de pacotille, certes, mais de dernière minutes: nous, peuple américain, ne sommes pas exclu de faire la même faute que vous. Des héros, oui, mais avant tout des humains.
L’héroïne du film obtient donc le numéro de téléphone du terrible-mais-au-final-pas-si-méchant général chinois au terme d'un épique paradoxe temporel, aussi invraisemblable qu'il puisse paraître, arrivant comme un cheveux sur le potage pour sortir l'intrigue de son impasse. La voilà qui passe son coup de téléphone. Attention suspens: va-t-elle se faire abattre par l'armée de son propre pays, tout comme son homologue russe? Finalement, elle, simple professeur d'université je le rappel, sauve le monde d'un apocalypse militaire. Ce qui était annoncé au tout début du film est à nouveau explicité: le langage est une arme. Fin de la démonstration. L'héroïne peut enfin prendre le temps de regarder l'autre protagoniste du film (à quoi d'autre aura pu servir le personnage qu'incarne Jeremy Renner dans le film, on se le demande) et accepter son destin de mère endeuillé. Clap de fin. Quid des aliens? Que se passera-t-il dans trois mille ans? Que deviendra le monde lorsque la professeur aura diffusé ses connaissance de la langue dans le monde, et donc du fameux dont de précognition? L'armée va-t-elle se tenir a carreau ou utiliser ce don à des fin stratégique, etc... Autant de question que le film ne prend même pas la peine de soulever, préférant la pathos d'une étreinte artificielle. Les deux héros sont donc "prédestinés" à s'aimer. Comme un amer triomphe du déterminisme.  

Bref, au bout de ce voyage tortueux (pourtant fait mille fois avec brio dans le cinéma d'Alain Resnais), The arrival, qui se veut une exploration linguistique, sémiologique (mais alors qui n'a jamais ouvert un livre ne serait-ce que d'Henri Laborit) du cinéma, ne laisse rien, pas même l'ombre d'un souvenir ou d'un discours sur les procédés.
The arrival est un film vide, tournant en rond, littéralement, sur lui-même.
Le véritable paradoxe qui se découvre, une fois digérée, c'est celui de faire d'un film extrêmement bavard, un film qui laisse laisse sans voix.


******
The Arrival: IMDB
Date de sortie: 7 décembre 2016 (1h 56min)

Avec Amy Adams, Jeremy Renner, Forest Whitaker
Synopsis et détails

Lorsque de mystérieux vaisseaux venus du fond de l’espace surgissent un peu partout sur Terre, une équipe d’experts est rassemblée sous la direction de la linguiste Louise Banks afin de tenter de comprendre leurs intentions.